Le Grand Dictateur

Le tournage de The Great Dictator a débuté en septembre 1939, le même mois que la déclaration de guerre de la Grande-Bretagne à l’Allemagne nazie d’Hitler, et plus de deux ans avant l’implication des États-Unis.

Il n’est donc pas possible que Charlie Chaplin ait eu connaissance de l’étendue complète et horrible du traitement des Juifs par les nazis ; s’il l’avait su, il est inconcevable qu’il ait construit un film comique autour d’un sujet aussi émouvant.

Motivé, sans doute, par une prise de conscience anticipée des conséquences mortelles des manœuvres politiques d’Hitler, il a créé une farce satirique qui ridiculise sans pitié le Führer et ses alliés.

Il s’agissait d’une décision audacieuse, que Chaplin considérait comme une déclaration artistique, mais connaissant aujourd’hui les atrocités commises à l’encontre des Juifs, il est difficile d’apprécier une grande partie de l’humour, car il semble faire abstraction de la réalité alors qu’il a été écrit dans l’ignorance des faits.

Chaplin a un double rôle dans Le Grand Dictateur, jouant à la fois Adenoid Hynkel (inspiré d’Hitler), dictateur du pays fictif de Tomainia, qui prévoit d’envahir le pays voisin d’Osterlich, et un barbier juif souffrant d’une amnésie prolongée depuis la Première Guerre mondiale, après avoir sauvé la vie d’un pilote nommé Schultz (Reginald Gardiner) qui a maintenant atteint le rang de major sous le règne d’Hynkel.

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Inconscient du traitement injuste que Hynkel réserve aux Juifs, le barbier retourne dans sa boutique du ghetto et entame une relation avec Hannah (Paulette Goddard), une blanchisseuse pleine d’entrain : Le grand dictateur. Pendant ce temps, dans le but de récolter des fonds pour financer l’invasion d’Osterlich, Hynkel lève temporairement les mauvais traitements infligés aux Juifs et négocie avec son allié Napoloni (Jack Oakie), le dictateur de Bacteria.

La décision de Chaplin de retarder l’adoption du son dans ses films pendant plus d’une décennie après l’avènement du cinéma parlant semble avoir été judicieuse, car Le Grand Dictateur est le plus faible lorsqu’il fait des blagues verbales.

Par exemple, au début du film, le barbier et Schultz volent à l’envers pour tenter d’échapper à leurs ennemis. Comment est le gaz ? demande Schultz au barbier, ce à quoi le petit homme répond : « Terrible, ça m’a tenu éveillé toute la nuit ».

Il s’agit d’une blague nulle et non avenue, mais venant de l’un des plus grands comiques du cinéma muet (toujours reconnaissable dans le rôle du petit clochard, même s’il joue un autre personnage), elle semble encore pire qu’elle ne l’est en réalité.

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Lorsque Chaplin recourt à l’humour muet, comme lorsqu’il exécute un délicat ballet avec un ballon gonflé, ou qu’il tente futilement d’arracher des fils de spaghetti pour montrer comment il va écraser les forces de Napoloni, il démontre non seulement qu’il n’a rien perdu de son génie comique, mais il expose la faiblesse du reste du matériel. Ironiquement, il fait un usage efficace du son, par exemple lorsqu’il rase de manière expressive un client malchanceux au son d’une musique classique.

Le Grand Dictateur doit être applaudi pour sa tentative d’éveiller un monde endormi aux dangers qui le guettent, et à ce titre, il est peut-être l’un des films les plus importants jamais réalisés.

Malheureusement, elle ne fonctionne qu’à peine comme une comédie, et est fatalement blessée par le long discours malencontreux de Chaplin devant la caméra. La sincérité de Chaplin ne peut être mise en doute – elle est évidente dans chaque mot passionné qu’il prononce – mais cela ressemble plus à un sermon qu’à un discours, et offre une conclusion inappropriée.

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